L’artiste HipHop, Boots Riley, explique pourquoi ce ne sont ni les vidéos de rap, ni les cultures HipHop et afro-américaine qui créent une image négative des noirs. Et soutient que tant que nous ne chercherons pas à remettre en cause le système économique dans lequel nous évoluons, nous en serons réduits à blâmer les individus et leurs cultures.
PAR P.E.I. Photo: Light Brigading | ILLMATIK N°1
Boots Riley est le prototype même de celui que l’on nomme Maître de cérémonie (MC) dans la culture HipHop. Que ce soit sur disque, que ce soit sur scène ou en discutant avec lui, le leader du groupe de rap californien, The Coup, a cette capacité et cette aisance à captiver votre attention. Parce qu’il est un artiste qui parle avec conviction, mais aussi parce qu’il est un organisateur, comme il aime se définir, qui agit avec conviction.
Impliqué politiquement depuis l’âge de 14 ans dans la ville d’Oakland, bastion historique des Black Panthers, acteur du mouvement Occupy Oakland avec lequel il a participé au blocage historique du port de la ville, en fin 2011, mais également et surtout, artiste talentueux et mondialement reconnu, avec derrière lui plus de 20 ans carrière, Boots Riley est une personnalité majeure, non seulement de la culture HipHop, mais plus généralement de la culture socio-politique afro-américaine.
MC Hammer et ses premiers pas dans l’industrie du disque au débuts des années 1990, la différence entre l’activiste et l’organisateur, l’illusion du capitalisme noir, la criminalisation du HipHop et des cultures noires, le mouvement Occupy et son impact, sur tous ces sujets et d’autres, Boots Riley nous informe, nous interpelle et nous fait réfléchir de manière utile, distrayante et pertinente. Dans la pure tradition du MC. Interview.
Enfant, que rêviez-vous de devenir une fois adulte ?
Quand j’avais 12 ans, je voulais faire quelque chose de grand. Si je m’en rappelle bien, je voulais être comme le chanteur Prince, en tout cas, je voulais passer à la télévision. Parce que pour moi, passer à la télévision, c’était être important. Parce que, ce que je pensais être important était ce qui passait à la télévision.
En grandissant, vous prenez connaissance des atrocités du monde, mais vous apprenez les réalités de ce monde d’une telle manière que vous vous dites qu’on ne peut rien faire.
D’un côté, vous acquérez une certaine conscience et intelligence des choses, mais de l’autre, vous sentez que vous n’avez aucun pouvoir pour changer les choses, si ce n’est celui peut-être de pouvoir vous en échapper. D’une certaine manière, vous pensez que vous avez juste la capacité de vous rendre meilleur et de vous préserver de ce qui se passe autour de vous.
A 14 ans, j’ai rejoint une organisation politique et révolutionnaire. J’ai commencé à apprendre comment fonctionnait ce monde. J’y ai compris que ce monde pouvait être manipulé, et pas seulement par la minorité qui tient le pouvoir. J’y ai compris qu’il y avait certaines étapes par lesquels je devais passer pour avoir un impact efficace dans ce possible futur qui pourrait survenir.
Au sein de cette organisation, j’y apprenais non seulement comment les événements se produisaient mais aussi le matérialisme dialectique. J’y ai retenu l’idée que 1. Pour qu’un mouvement politique puisse être efficace, il faut qu’il soit en mesure de changer et d’améliorer les conditions matérielles de ceux qui y participent 2. Ce que nous faisons individuellement a un effet sur la manière dont les situations (collectives) changent.
En fait, cette accumulation de connaissances m’a donné un sentiment de pouvoir et m’a donné l’impression que je faisais quelque chose d’important. J’ai compris qu’il n’y avait pas besoin de passer à la télévision pour être important et qu’il n’y avait pas besoin de passer à la télévision pour compter.
Engagé politiquement très jeune, qu’est-ce qui vous a poussé à devenir artiste HipHop?
A l’époque, tout le monde rappait à l’école, tout comme nous jouions au football ou au baseball. La plupart du temps, nous avions juste des gars qui tapaient sur le table, et on rappait chacun à notre tour. Et quand mon tour venait, les rimes que je récitais étaient ceux d’un bon rappeur nommé Schoolly D. Et quand je récitais ses rimes, tout le monde était impressionné. A Oakland, personne ne connaissait Schoolly D.
Avec le temps, j’ai commencé à interroger les gens autour moi sur les techniques à maîtriser pour faire un disque. C’est à partir de ce moment, que je me suis mis à travailler sérieusement. Mon école préparait une pièce de théâtre, Eastside Story (qui était un remake de Westside Story, elle-même un remake de Roméo et Juliette) et souhaitait que ce soit une comédie musicale sur fond de rap. J’ai été en charge d’écrire toutes les parties en rap pour cette comédie. J’ai même joué dans cette pièce et personne n’a hué mes raps. Je me suis alors dit, je peux le faire. Je peux faire carrière en tant qu’artiste HipHop.
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