Le HipHop ? Personne ne savait où il allait, personne ne savait exactement ce qu’il deviendrait. Aujourd’hui, le HipHop est devenu une force commerciale, une culture plus ou moins récupérée par la culture de masse, et un art subventionné par les pouvoirs publics. Certes. Mais tout n’a pas été facile. Il ne faut surtout pas oublier que cette culture est d’abord le produit de l’Expérience de jeunes passionnés qui l’ont construit et développé. Le HipHop, l’histoire du HipHop, c’est avant tout une histoire de vision, de passion et de courage. L’histoire du HipHop, c’est aussi l’histoire de Gabin Nuissier, danseur, chorégraphe, et directeur de la compagnie de danse Aktuel Force qu’il a fondée dans les années 80.
PAR P.E.I. Photo: Emmanuelle Tricoire | ILLMATIK N°1
Gabin Nuissier se considère comme quelqu’un qui a participé à la construction d’une culture, plus d’une manière de vivre. Si nous voyons dans son parcours une réussite certaine, c’est une notion qu’il réfute parce qu’il estime être toujours poussé à aller encore plus loin. Il s’en explique à travers son parcours.
Besoin d’une preuve d’existence
“1982-1983 : J’ai vécu la culture HipHop comme quelque chose de magique. J’ai quitté les Antilles à l’âge de 6 ou 7 ans. J’étais un déraciné comme beaucoup de ma génération. D’ailleurs, toute ma génération à Dugny (ndrl : en Seine-Saint-Denis) quand je suis arrivé en France, venait d’Algérie, d’Espagne, du Portugal… Donc, je débarque des Antilles, je dois aller dans une nouvelle école, je ne sais pas par où commencer. La seule chose qui peut m’aider, ce sont les alentours : connaître des nouveaux amis, refaire ma vie, reconstruire ma vie par l’intermédiaire des amis. Et c’est vrai qu’à l’école, je me faisais des amis, mais la culture HipHop est quelque chose qui m’est tombée dessus. Comme un gâteau qu’on donne à un enfant ou quelque chose avec lequel il a envie de jouer. Mais le fait que, moi, je joue avec et qu’il y en ait d’autres qui jouent avec aussi, ça nous a rapproché. Et nous tous, nous étions confrontés au même gâteau, et nous jouions avec ce gâteau. Je peux dire que je n’ai jamais vu autant de gens, je n’ai jamais connu autant de gens que grâce à la culture HipHop, en l’espace de deux jours. Et ça se multipliait par quatre par le nombre de jours qui passait. C’est à dire qu’en l’espace de deux mois, j’ai rencontré deux cent, trois cent personnes.
L’homme a besoin de montrer qu’il existe, pas à lui-même ou sa famille, mais montrer aux autres qu’il existe. Et parler avec les autres, c’est se faire accepter. Et parler aux autres, c’est comme si la famille s’agrandissait. La culture HipHop, c’est quelque chose qui a fait tomber des barrières, et plus ça avançait, plus je sentais que ma famille s’agrandissait. Comme si le monde n’était qu’un noyau – qui pouvait captiver toute la terre, et que toute la terre pouvait être mon ami. Et c’est ça, en fin de compte, qui fait que du jour au lendemain, je me suis senti bien parce que j’allais dans la rue et tout le monde disait “hé salut !”. Partout, tu avais l’impression d’être connu comme un acteur, comme une star. C’est ce dont les gens ont besoin. Ils ont besoin de cette preuve d’existence.
Parfois, quand tu ne donnes pas à un être humain, il se sent désespéré. Il a du mal à vivre parce qu’on
Je suis quelqu’un qui a dépassé des caps psychologiques. Les questions que je me suis posé au début du HipHop ne sont pas les mêmes questions que je me suis posé après dans les étapes qui ont suivi. Quand j’ai commencé, durant les trois premières années, c’était une effervescence. Tous on travaillait, c’était bam ! bam ! bam ! On était bien dedans, on était au moins 2000 ! Je suis de la génération de ceux qui ont vécu la culture avant Sidney et son émission H.I.P.H.O.P. Il y a toute une génération qui a grandi avec Sidney. Et du jour au lendemain, quand l’émission de Sidney s’est arrêté, tout s’est envolé ou presque. Tous ces gens là, quand ils n’avaient plus ce truc, cette effervescence qui les faisait tenir – parce que Sidney était parti – ont arrêté pour beaucoup d’entre eux. Et c’est là que j’ai passé mon étape de la Croix.”
Se faire des amis, le but du HipHop
“J’ai commencé parce que je voulais avoir beaucoup de potes ou que j’étais en communication avec beaucoup de potes. Et bing, un moment, tous ces potes retournent à leur boulot ! On est confronté au même problème à cette époque. C’était en 1987, est-ce que j’arrête ou je continue ? Il y en a beaucoup qui ont arrêté. Presque toute une génération a arrêté. De tous les anciens, peut être qu’il y en a un ou deux, un ou deux qui ont tenu vraiment depuis tout le temps. Il faut les trouver, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Et bien moi, j’étais l’un des seuls à rester, à cette époque là. Et en même temps quand tout le monde a arrêté, il y a eu aussi une nouvelle génération, il y en avait quelques-uns qui venaient. Là où on dansait un petit peu à l’extérieur, et bien, on dansait dans des trucs fermés, on avait l’impression que c’était fini.
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